Faits divers..: mirage.
Elle connaissait les moindres recoins de son chemin. Les allées rocailleuses, les raccoucis. Le nombre de virages, les habitations ornant le paysage. Elle savait aussi ce qu'elle pourrait entrevoir, si elle tournait son visage. Elle le savait. Pourtant, contre toute attente, elle a été étonnée et par deux fois elle a regardé. Son coeur s'est d'abord arrêté, puis il a palpité. Revait -elle ou, à son contraire, cette vision etait bien reelle? Son pied a relaché l'accelerateur, ses doigts ont glissé sur le volant. Son corps s'est prostré face à ce qu'elle voyait. La peau qui recouvrait le haut de ses yeux a diminué ses clignements, la pupille s'est fixée, le vert de ses billes a brillé. Non, ce qu'il y avait au loin n'etait pas ce qu'elle croyait. Mais le reflet de ce qu'elle esperait.. Son regard ne s'est pas detourné. Il s'est approché de la vitre baissée, brulante, transparente. Elle devinait enfin son apparition...
Un volet, creusé dans le pignon de la maison. Un toit, qui frolait le bleu de l'horizon. L'ivoire, comme couleur de fond. Cette batisse ressemblait à s'y tromper à celle qui avait vu grandir son prénom. Papy-mamie comme maitre de possession. En y regardant plus precisement l'endroit, il y manquait le balcon. Il y avait bien la fenêtre, en double porte. Le seul moyen le plus propice pour entrer dans cette grotte. Elle se faisait du mal. Rien de ce qui se montrait sous la lumière de ce soir d'été n'etait vrai. Elle voulait tellement y croire. Alors encore plus pres, elle s'est penchée. Même de si loin, elle pourrait. Avec toute l'esperance, toute l'enfance qu'elle faisait jouer pour y arriver, elle pourrait..
Oui,il y avait bien une petite fille derrière les vitres fermées. Le volet noir, abimé, séché par les années faisait office de fermoir. Il protegeait l'interieur de cette maisonnée. La petite fille courait, courait, les chaussures abimées.D'avoir trop couru après les moments qu'elle aimait. Elle rejoignait son grand pere dans le jardin, le marcel revelant des bras laiteux, grassouillés. A l'heure du dejeuner, il attendait, les deux mains sur le manche de la pelle, son saucisson de cheval dépioté. Son verre d'eau bien frais. Pas d'alcool dans des chaleurs incenssées.. La petite fille se retrouvait quelques secondes passées, dans la douche, à se revigorer. Un volet entrebaillé, pour laisser entrer le rai de lumière qui transplanait. La serviette blanche accrochée à la poignet, pendante. Bien grande pour envelopper ce petit corps mouvementé. Le ruisselement de l'eau n'empechait pas d'entendre la mamie chanter, ou ses claquettes frapper le sol carrelé. Toujours elle se depechait. Le petit temps d'arrêt, se faisait apres le dîner. Toutes les deux elles trainaient dans la cuisine, à jouer dans une bataille effreinée, à la facon d'un jeu de carte. Sans se stopper, elles riaient. Elle valait un beefsteack comme sa petite mère disait.. "tu seras bien douillette si tu restes dans mes lauriers.." si seulement elle pouvait.. Pendant ce laps de minutes, d'heures ecoulées, le papy regardait et s'endormait devant la télé. Pour s'amuser, elle le rejoignait sur la pointe des pieds, en lui deposant sur son crane rasé, un bout de chocolat au lait. Qu'il attrappait en même temps que les petits doigts qui l'avaient effleuré..Et elle riait.. Quand il faisait bien chaud, et que l'homme fatigué voulait se reposer dans sa soirée, les deux coquettes demoiselles partaient à la rencontre de la douce veillée. Sous le courant du ruisseau qui les ammenait sur le pont du bout de la longue allée. La gamine arrachait les pissenlits, sautait, dansait, vivait..Et dans les bras de sa grand mere, reprenait vie...Les oiseaux les accompagnaient, en sifflant le cri de morphée.. Tard le soir elle s'endormait, d'une journée bien remplie. Elle se levait apres une belle nuit, rechauffée des pieds de sa mamie. Papy buvait son café,qui, par le soleil de la veranda, etait ebloui. Ses tartines étaient grillées, beurrées, confiturées. L'ensemble de ce met crepittait sous les parôles d'un " france info" au volume bien sonorisé..Et une nouvelle date commancait...
Ces instants qu'elles avaient réapercu en s'arretant un peu lui avait rendu la vue.Ils n'etaient rien qu'un mirage qu'elle avait imaginé en reouvrant sa cage.. Bien que ces dents se sont mises à claquer, bien que son nez s'est mit à fretiller, et bien que sa gorge s'est nouée en liberant de ses yeux une buée, un sourire est tout de même resté. Elle pleurait l'absence retrouvée. La garce d'adolescence lui avait retiré cette vie, quand elle a grandi. Elle jouait dans la farce de l'arrogance, et avait hapé ses envies dans l'oubli. Elle aimerait tant que lui revienne cette periode qui fut la sienne. Où tout lui semblait possible, où elle fut tant aimé. Ces deux personnes là lui faisaient oublier tous ces tracas.Ils avaient dans son coeur, dans son esprit, la place de sa maman, de son papa..Aujourd'hui, elle aimerait tant tout raconter. S'eblouir de ses souvenirs sans pleurer. Qu'il est dur de pouvoir resister...Mettre des mots sur des moments vecus, si forts, si envolés..Ils etaient le fantôme d'une partie de ses neurones. Quelquefois, elle se disait qu'elle preferait s'evanouir que de vivre avec les residus du passé.. Il ya un nom qui désigne la peur des souvenirs...Si elle portait cette phobie en elle, elle pouvait aussi se dire "algophobe".. Elle craignait la douleur..surtout cette forme de douleur...