Et souffler...
Il n'est jamais difficile de passer une porte. Une traction des bras, un mouvement de hanches, de pas. Il y en a une pourtant plus delicate à franchir. Une porte contre laquelle on ne peut rien. Quand elle nous ouvre son passage, elle ne nous laisse jamais sans abord-d'age.. Pour parler de celle ci, il ya des gens qui se regroupent autour d'une table. Pour eux, c'est un moment banal. Les visages n'ont pas forcement d'ombrage. Il est serein pour l'un, souriant ou pensif pour le voisin. La reunion a neanmoins un gout plutot amere. Des hommes et des femmes bien vivants ne discutteront pas de la pluie et du beau temps.Mais de douloureux instants. De l'ultime moment..
Là où je suis, ces jours precedents, il y circule une drôle d'atmosphere. On est entourré de cellules qui degenerent. De diagnostiques qui présagent des heures longues et peu prosperes. On pose aux gens un ultimatum de temps. Ils s'angoissent, s'inondent de mauvais sang. Ils maigrissent, perdent l'appetit. Ils pleurent, ils prient. Accrochent à leurs bras leur dieu sur la croix. Ils bennissent la vie passée, vecue, partagée. Mais leurs regards vers le sol, toujours sont tournés. Ils ne veulent plus y croire. Les familles s'interrogent, s'informent. S'avancent vers vous, car vous etes les seuls à savoir. Ils vous demandent beaucoup. Ne surtout pas lacher prise. Ils ont besoin de vous. Ils sont jeunes, ou plutôt pas tres agés.Ils ne comprennent pas le mal qui les a enlassé. Ils vous mentent parfois. Vous manipulent pour que vous leur expliquiez ce "quoi". Vous passez une minute sur leur lit. Leur prenez la main ou dans vos bras. Ils ont peur de l'au delà. Et puis de souffrir, d'une bataille sans combat. Ils connaissent les resultats. Les traitements prendront place à chaque repas. D'autres, plus chimiques, feront tomber leurs cheveux. C'est l'effet ionique. Ils n'ont pas envie d'avoir le souffle coupé, pas envie de les abandonner. Des larmes pour les enfants, ou pour les animaux restants..Ils regardent pas la fenêtre, s'éprouvants..
Nous, les bien vivants, nous supportons ces malheureux gens. Nous frolons leurs imaginations. Nous imaginons leurs sensations. Nous voyageons hors du temps, nous nous essouflons...Jusqu'à perdre le son...
On dit qu'au dernier moment, dans la phase agonique, on ne prendra pas le dernier souffle du combat, c'est celui qui se bat qui choisiera l'instant de souffler son emoi. Il n'y a pas de hasard dans ce cas là. Que la personne vivra jusqu'au bout, comme elle a vecu jusque là..
"Ajouter de la vie aux jours lorsque l'on ne peut plus ajouter de jours à la vie.."
J.Bernard